Emancipation hors-jeu, de Pierre de Martel
Par Frédéric Candian, auteur de plusieurs romans, dont Deux âmes dans l’antre des fous (Publibook, 2002) et La communauté de Thésée (Edilivre, 2009), ainsi que du recueil de nouvelles Le langage des oiseaux (Edilivre, 2015). Son site web : www.fredcandian.fr
Le thème récurrent des nouvelles de Pierre de Martel, nous l’avons vu, c’est la difficulté d’intégrer le champ social, alors même qu’on a atteint le degré de conscience suffisant pour comprendre qu’il s’agit là d’une tâche impossible.
Impossible, en effet, de se fondre dans la masse lorsqu’on sait ce qu’est la masse. Maurice G Dantec disait : Toute masse est dangereuse. Il écrivait aussi une formule du genre: La foule a le QI du plus stupide des éléments qui la composent.
Se sociabiliser, c’est donc laisser le cœur et le cerveau à la maison, devenir un pion. Et même pire, c’est devenir un pion transparent, à l’image de celui qui semble si isolé sur la couverture d’Emancipation Hors-jeu. Les autres sont là, autour de nous. Mais ils sont si loin si proches, et nous paraissent agglutinés en un tout hostile. De plus, ils sont flous, et transparents eux-aussi. les relations humaines et sociales sont donc sujettes à tous ces jeux de lumière et de reflets, qui sont autant d’illusions.
Tout est là, mais rien n’est vrai, et Pierre de Martel l’a compris. La seule vérité, c’est ce manque, justement, cette quintessence invisible, ce mystère qui maintient en équilibre précaire ce jeu de dupes. L’être humain moyen, heureusement, ne prend pas conscience de cette folie. Il faut un écrivain de la trempe de Pierre de Martel pour oser mettre les mains dans le cambouis et disséquer les relations entre soi et les autres, voire entre soi et soi-même.
Relax ! Avant de vous taper la caboche contre les murs, mettez-vous Martel en tête, le réveil sera moins douloureux.