interview : elisabeth lafont
Comment êtes-vous arrivée à l’écriture ?
Mon premier métier est celui d’enseignante. Passionnée de lecture depuis mon enfance et baignée dans un milieu littéraire intense (notre mère étant bibliothécaire), j’aimais « les livres, les mots, les histoires, les rêves dans lesquels nous étions entraînés. Je me fabriquais même de petits livres…
Quand il a été question de reconversion, c’est tout naturellement que je me suis tournée vers le livre et je suis devenue attachée de presse. Et là, mais dans un monde « vrai et réel », j’ai retrouvé l’amour des mots à travers la lecture, la rédaction, l’écriture des livres que je devais promouvoir, avec en plus un côté communication, et connaissance apportée aux autres et réciproquement, à travers les différents échanges.
J’ai commencé à écrire pour moi, mais sans penser plus. Ateliers d’écriture, sessions diverses sur tel aspect de l’écriture, m’ont énormément apporté et m’ont entrainée à publier.
L’écriture devenait alors pour moi passionnante ouverture sur un monde intérieur inconnu jusque-là. Je relisais différemment certains auteurs laissés de côté ; on se surprend à lire d’autres genres, et les chemins deviennent multiples et variés ou l’on s’apprend et se découvre. L’écriture devient alors partage qui vous transforme. Le chemin est long, initiatique, difficile parfois, drôle, mais il en vaut la peine.
A qui s’adressent vos livres ?
Mes livres s’adressent plutôt à un public adulte : Histoire et généalogie pendant la Révolution à Lyon, livres d’artistes, Nouvelles, poèmes, histoires collectives pour adolescents. J’aime beaucoup raconter des histoires aux enfants pour les faire rêver, mais écrire pour eux n’est pas ce que je préfère.
Quel est le sujet de votre dernier livre ?
Dans mon dernier livre, « L’Escalier : jusqu’au bout de ma promesse », paru aux Editions Encre Rouge, j’évoque un sujet difficile que peu de gens osent regarder en face : le handicap. En effet, après un accident domestique banal, je me suis retrouvée paralysée, et ce, assez jeune. Vous entendre dire que jamais vous ne remarcherez comme il faut, n’était pas « audible » pour moi (dans la mesure où la moelle épinière n’avait pas été touchée). Et j’ai « juré », oui, j’ai juré que je réapprendrais à marcher, dussé-je y passer toute ma vie… Pari fou pour moi et les médecins, mais on ne réfléchit pas. Cela sera !
Cherchez-vous à transmettre un message dans votre livre ou vos livres, et si oui, lequel ?
Dans ce livre, j’ai voulu, sans pathos, donner ou redonner de l’espoir à ceux qui sont différents ou qu’une maladie a atteint et qui sont souvent considérés comme à part. Deux axes dans ce livre : « Avant » et « Après ». Comment continuer cette vie dont on a rêvée et qui devient si difficile, voire impossible parfois, et comment aider, regarder, accueillir cet être en souffrance en le considérant comme un homme à part entière. Le handicap fait peur et il faut l’apprivoiser, l’approcher pour toucher à nouveau le cœur blessé de celui qui l’est devenu.
Et au bout de la lutte, de jours de désespoir, de souffrance, de solitude, un jour, un espoir : « OUI, c’est possible !!! ». Mais que de jours sans espérance, où « les autres » s’habituent à ce que vous êtes devenue, sans vous laisser l’espoir qui guide et commande tout ! Cela sera comme cela désormais… Il faut s’habituer !!!
Quelles sont vos influences ou vos sources d’inspiration ?
Dans mes livres, comme dans les Nouvelles, par ex, j’ai voulu fixer une époque bien révolue maintenant : celle de la vie à la campagne qui a disparu et que l’on vivait dans les années 60 : simplicité, observation de la nature, des caractères différents des hommes, rapports humains différents (j’ai été élevée à la campagne et en garde un souvenir merveilleux).
Dans les livres d’artistes, j’ai essayé de me rapprocher le plus possible de la pensée créatrice de l’artiste et de rester au plus près de l’élan créateur surgit un jour de son esprit, de son cœur, de ses mains.
Avez-vous un conseil pour les auteurs débutants ?
Je ne sais pas s’il y a un conseil à donner à ceux qui veulent écrire… Le premier et le seul, s’il y en a un : prenez un crayon, laissez parler votre imagination, votre pensée, vos envies. Ne vous censurez pas. Vous serez peut-être étonnés de ce que vous avez écrit…
Avez-vous de nouveaux projets d’écriture ?
Je viens de sortir ce livre sur le handicap. Ce fut un vrai « accouchement littéraire ». Recommencer un autre livre maintenant est peut-être prématuré, mais déjà quelques idées commencent à mûrir sur des sujets nouveaux. Il est encore trop tôt pour en parler. Je souhaite d’abord faire vivre ce livre qui vient de sortir.
Un dernier mot ?
Pour terminer, je reviendrai sur ce livre qui vient de sortir. Apprendre un jour que l’on ne remarchera peut-être pas est à la fois terrifiant et inconcevable. Comme doit l’être l’annonce de toute maladie terrible.
J’insiste sur l’espoir encore possible à l’annonce d’une telle nouvelle. Le chemin est long et difficile. Certaines mains vous tiennent fort. D’autres vous laissent tomber. Le désespoir guette.
Si l’on sort de ce chemin, c’est grâce aux mains tendues et on en revient différent et grandi sur certains points. Une échelle différente des valeurs se met en place. Le cœur souffre de n’être pas reconnu à la hauteur de dénuement nécessaire, mais il approche des vérités et des certitudes qui vous transforment complètement.
« Ensemble, apprenons à construire des ponts entre des mondes différents »