J’ai lu : Chevalier au lion, d’Alain Raux
Par Frédéric Candian, auteur de plusieurs romans, dont Deux âmes dans l’antre des fous (Publibook, 2002) et La communauté de Thésée (Edilivre, 2009), ainsi que du recueil de nouvelles Le langage des oiseaux (Edilivre, 2015). Son site web : www.fredcandian.fr
La lecture des deux tomes du livre Chevalier au lion d’Alain Raux ravira celles et ceux qui comme moi, sont fascinés par les mystères fondateurs de la culture occidentale. Parmi ces derniers, le cycle arthurien de Chrétien de Troyes et l’histoire tragique des Templiers ne sont pas des moindres. Et ce sont précisément ces deux grands mystères dans lesquels nous plonge Alain Raux, nous démontrant au passage que ces deux mystères n’en font qu’un.
Et très vite, Alain Raux enchaîne des estocades qui ne sont pas des coups d’épée dans l’eau. Porté par une connaissance aiguë de la langue provençale, le chercheur nous révèle que la forêt de Brocéliande ne se situe pas en Bretagne mais en Provence, et que toutes les aventures des mythiques chevaliers Lancelot et Perceval entre autres, n’ont jamais eu pour cadre les terres anglo-saxonnes mais bel et bien le Sud-Est de la France.
Pour nous convaincre, Alain Raux fait appel à la topographie, la toponymie, l’héraldique, ainsi qu’à une formidable érudition qui, je pense, n’aura aucun mal à désarçonner les tenants de la thèse anglo-saxonne des chevaliers de la Table ronde, qui va de pair avec la thèse champenoise des Templiers.
Mais quel est donc ce lien qui unirait les deux mystères ? Eh bien, pour Alain Raux, il ne fait aucun doute que Chrétien de Troyes fut ni plus ni moins que l’un des fondateurs de l’Ordre du Temple. Fut-il un proche de Hugues de Payens, fut-il Hugues de Payens lui-même? Tant de noms, de surnoms, de pseudonymes ont été attribués à Chrétien de Troyes qu’il est difficile d’être formel. Seule certitude, le chevalier Chrétien de Troyes connaissait parfaitement les mystères de l’Ordre du Temple et, dans ses vieux jours, infirme et condamné à l’inaction, les a cryptés dans ses romans épiques, s’inspirant des lieux qui l’entouraient et qui avaient servi de berceau au mystère, l’arrière pays varois, le port de Saint-Raphaël, ou encore les gorges du Verdon.
Des mystères révélés par Alain Raux dans ces deux tomes, je ne dirai rien de plus. Je me bornerai à donner l’avis d’Alain Raux sur les raisons d’un tel cryptage. La doctrine secrète des Templiers s’écartait considérablement de celle de l’Eglise catholique toute puissante, soupçonnée par notre auteur d’avoir falsifié les textes. Ce n’est que sur ce point que je mettrais un bémol. Cette critique souvent faite à l’Eglise catholique d’avoir tricoté un récit enjolivé de la vie de Jésus ne résiste pas à l’examen des Evangiles, dont les contradictions et les incohérences n’ont jamais été gommées. Les aspects ambigüs de la personnalité de Jésus, eux non plus, n’ont jamais été occultés. Tout au plus ont-ils été minimisés plus tard dans la pratique religieuse de l’Eglise catholique.
Quoi qu’il en soit, l’argumentation d’Alain Raux reste solide sur de nombreux points et sa version des faits s’avère passionnante. Les livres sont richement illustrés et donnent vie de saisissante manière aux personnages de la légende. D’ailleurs, s’agit-il réellement d’une légende? Et s’il s’agissait tout simplement du plus complet, du plus cohérent et captivant récit de la naissance de notre histoire, que nous avons hélas trop tendance à étouffer voire oublier?