Feuilleton : Le mystère du lapin blanc (Episode 17)
Par Frédéric Candian, auteur de plusieurs romans, dont Justice (Bénévent, 2005) et La communauté de Thésée (Edilivre, 2009). Son site web : www.fredcandian.fr
L’homme au couteau relâche légèrement la pression de la lame sur la jugulaire de Christian afin de le laisser répondre. Mais ce dernier, tétanisé, est bien incapable d’articuler le moindre mot. Le deuxième agresseur tente une autre approche :
– Alors, tu nous fais pas visiter ta roulotte ? On va se détendre et bavarder un peu.
L’homme au couteau appuie à nouveau sur la gorge de la pointe de sa lame :
– T’as entendu ? On t’a dit d’ouvrir.
Christian ne se fait pas prier. Dès la porte du camping-car ouverte, la brute le pousse à l’intérieur. Totalement à l’abri des regards, les inconnus font asseoir leur otage à l’arrière du véhicule, s’assurant qu’il n’a à sa portée aucun objet susceptible de lui servir d’arme.
– Je repose ma question : Où est cet enculé d’Edmond ?
Christian parvient peu à peu à reprendre son sang-froid. Dévisageant tour à tour les deux nuisibles, il réussit finalement à balbutier la seule réponse qui vaille :
– Je… Je sais pas.
L’homme qui mène la conversation vient de s’asseoir en face de lui. La table du camping-car les sépare. L’autre, l’homme au couteau, reste debout, interdisant à Christian toute possibilité de fuite. Incidemment, il en profite pour fouiller dans tous les placards à sa portée. Les deux complices sont de solides gaillards, la quarantaine bien sonnée, mais celui au couteau est plus petit, trapu avec un cou de taureau. Une brute épaisse au crâne dégarni. L’autre est un peu plus grand, et semble plus intelligent, mais pas plus commode pour autant.
– Il t’a laissé se tirer avec son camping-car, et tu ne sais pas où il est ? Tu lui sers de convoyeur ? Vous devez vous retrouver où ?
Son convoyeur ? Décontenancé par ces questions sans queue ni tête, Christian essaie de se ressaisir. Cette mésaventure est vraisemblablement le fruit d’un malentendu :
– Attendez ! Je n’ai rien à voir avec Edmond. Il m’a vendu son camping-car, et c’est tout. Il est à moi maintenant, et je descends dans le sud. C’est tout. Je ne convoie rien du tout, je ne suis au courant de rien. Edmond est parti en pleine nuit, et il ne m’a rien dit sur sa destination.
Christian se tourne vers le petit trapu :
– Arrêtez de fouiller partout ! Qu’est-ce que vous cherchez ? Je n’ai rien qui puisse vous intéresser. Je ne veux pas savoir qui vous êtes ni ce que vous voulez à Edmond. Je veux juste pouvoir continuer ma route tranquille, si c’est possible.
Le petit trapu marque un temps d’arrêt, puis se remet à fouiner partout, consciencieusement. Son complice ne lâche pas Christian du regard, une expression de doute sur le visage. Si Christian ne peut pas convaincre le plus gros, peut-être pourra-t-il se faire entendre du moins bête :
– Dites-lui d’arrêter, s’il vous plaît.
Mais la brute épaisse cesse finalement d’elle-même de tout mettre sens dessus dessous et se tourne vers celui qui semble être le chef :
– Y a rien, ici, rien non plus au niveau de l’habitacle et des couchettes. Je vais voir dans les soutes à bagages.
Et le type sort. Son complice commence à réaliser qu’il est vraisemblablement tombé dans le panneau :
– Donc, tu n’as rien à voir avec Edmond ?
– Puisque je vous le dis. Je l’ai rencontré il y a trois jours à Chartres, on a sympathisé. Il m’a parlé de son camping-car à vendre. On s’est revus hier en Dordogne, chez son frère. Il m’a acheté ma voiture et m’a vendu son camping-car. Je ne sais pas si je le reverrai un jour, et franchement, vu ce qui me tombe dessus, je ne suis pas certain d’avoir envie de le revoir.
La brute en chef se lève, et domine un Christian apeuré de son imposante stature :
– Ecoute-moi bien, mon gars. T’as plutôt intérêt à m’avoir dit la vérité. Je vais être gentil ce coup-ci mais sois sûr que mon pote et moi, on saura te retrouver si c’est pas le cas. Et là, fais gaffe à ton matricule. Et je te conseille en effet d’oublier cette pourriture d’Edmond. C’est un meurtrier, un escroc et un voleur, entre autres. Et ce qu’il a fait, il le paiera très cher, de même que ses éventuels complices.
Sur ces mots, le complice au couteau revient à l’intérieur du camping-car :
– Y a rien non plus dans les soutes. Il ne reste plus que les banquettes.
Mais après avoir sommé Christian de se lever et avoir passé tout le camping-car au peigne fin, les deux individus sont obligés de se rendre à l’évidence. Ce qu’ils cherchent n’est pas ici :
– Quel fumier, cet Edmond, il nous a bien eus. Il s’est servi de ce pigeon comme diversion, et on s’est fait baiser comme des bleus.
Puis se tournant une dernière fois vers Christian :
– T’as du bol, ducon. Et quoi qu’il en soit, t’as plutôt intérêt à ce qu’on ne te recroise pas sur notre route. On connaît ton nom, on aura rapidement toutes les infos qu’on veut sur toi ou ta famille. Alors plus vite tu nous auras oubliés, mieux ça vaudra. Bon vent, ma poule.
Et sur ces mots, les malfaiteurs disparaissent, laissant Christian prostré dans sa maison roulante, qui en l’espace de quelques heures, a déjà été livrée au vandalisme et au pillage. Tous les espaces de rangement ont été vidés, le sol du camping-car est jonché de vêtements, de livres et de boîtes de conserve. Dieu merci, ils n’ont pas volé ou détruit son ordinateur.
Il s’agit de tout ranger, maintenant.
Oui, mais pas avant de s’être effondré pour pleurer toutes les larmes de son corps.
A suivre…
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